samedi 2 février 2019

Suspiria... de Dario Argento à Luca Guadagnino


« Le cinéma est le seul endroit où l’on peut établir ses règles, plier le temps et l’espace à son service. Et, au fil des films réalisés, on se rend compte à quel point la vie reste sans pitié : elle est capable de dépasser – et de beaucoup – le niveau de cruauté atteint par la plus perfide des sorcières »
Dario Argento, « Peur »



Suspiria... c'est l'histoire de Suzy, une jeune Américaine qui débarque à Fribourg pour suivre des cours dans une académie de danse prestigieuse. A peine arrivée, l'atmosphère du lieu, étrange et inquiétante, surprend la jeune fille. Et c'est là qu'une jeune élève est spectaculairement assassinée. Sous le choc, Suzy est bientôt prise de malaises. Le cauchemar ne fait qu'empirer : le pianiste aveugle de l'école meurt à son tour, égorgé par son propre chien.... Suzy apprend alors que l'académie était autrefois la demeure d'une terrible sorcière surnommée la Mère des Soupirs. Et si l'école était encore sous son emprise ?

Sorti en 1977, ce film est devenu une oeuvre culte pour tous les amateurs de cinéma d'horreur. Explosion de couleurs criardes, ce chef d’oeuvre de Dario Argento a marqué le genre horrifique par la puissance de ses images, de sa musique et un fétichisme fascinant.

Devenu le grand spécialiste du giallo depuis le début des années 70 au point de signer une œuvre maîtresse du genre (Les frissons de l’angoisse en 1975), Dario Argento se lance pour la première fois dans le fantastique pur avec cette histoire de sorcières maléfiques qui agissent au sein d’une école de danse. 



Se débarrassant désormais de toute explication rationnelle, Argento se libère du carcan cartésien pour approfondir ses recherches stylistiques et thématiques. Préoccupé par la notion de profondeur de champ, essentielle lorsque l’on sait que le film sera projeté sur un écran plat, le réalisateur ne cesse de développer le thème de la pénétration d’un solide ou d’une personne dans une surface a priori infranchissable. Les exemples abondent, aussi bien lors des meurtres (traversée de vitres, couteau qui se plante en plein cœur battant etc...) que lors des séquences - très nombreuses - de recherches dans des couloirs. 

La vérité se dérobe forcément à nos yeux de simples mortels et ne peut se découvrir qu’au prix d’un décryptage de signes obscurs qui nous mènent dans des espaces jusque-là inconnus (passages secrets entre autres). Aussi, comme souvent chez Argento, ce n’est pas tant la découverte finale qui compte (souvent décevante) que le parcours du personnage principal confronté à une énigme (celle de l’existence).

Cette obsession du décor se retrouve magnifié ici par les créations kitsch du décorateur Giuseppe Bassan et par les éclairages bariolés du grand Luciano Tovoli, en hommage direct aux innovations du maître transalpin Mario Bava. Ainsi, chaque plan est composé avec un soin maniaque, tandis que les différents meurtres sont amenés avec un sens du fétichisme extraordinaire. Encore une fois l’acte compte moins que sa préparation. Malgré cette lenteur de la progression narrative, Suspiria ne cesse de fasciner grâce à son brio formel et à la composition ambitieuse des Goblin, à la limite de la musique expérimentale.La jeune Jessica Harper incarne avec justesse et sensibilité cette Alice au pays des sorcières, tandis que Joan Bennett (connue pour ses rôles de femme fatale chez Fritz Lang dans les années 40) et Alida Valli (viscontienne dans l’âme) interprètent avec jubilation des suppôts du Mal. Bigger than life, baroque, limite rococo, Suspiria détonne complètement dans la production transalpine de l’époque et a imposé sur la scène internationale le nom d’Argento, faisant de lui un maître du genre. Premier volet d’une trilogie inégale, Suspiria est un pur chef-d’œuvre que l’ambitieux Inferno (1980) et le pitoyable Mother of tears (2007) ne parviendront jamais à faire oublier. 


40 ans plus tard, Luca Guadagnino réalise un remake du film culte avec entre autres Dakota Johnson et Tilda Swinton...

Jusqu'à présent, le réalisateur de la version originelle était resté discret sur le sujet. Dario Argento s’est enfin exprimé dans l’émission de radio italienne Un Giorno da Pecora, sur la station Rai 1. « (Le film) ne m’a pas excité. Il trahit l’esprit du film original. Il n’y a pas de peur. Pas de musique. Ce film ne m’a pas satisfait du tout » a-t-il déclaré.
Dario Argento s’en est également pris à son compatriote Luca Guadagnino, le réalisateur du film, qu’il a indirectement comparé à un décorateur d’intérieur. « C’est une bonne personne. Il fait de belles tables, de beaux rideaux, de beaux plats, tout est joli »... De son côté, Luca Guadagnino a avoué qu’il aimerait bien pouvoir réaliser une suite à son film, très apprécié par la critique. 


Vous pouvez lire une critique du film original et en découvrir davantage sur les Trois Mères...



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